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    Pascal Bircher
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Pascal Bircher


Expo épurée de jeunes créateurs au centre Irma Vep Lab, en Champagne
 
Œuvres de genèse
par Sean James ROSE
 
LIBERATION, samedi 24 juin 2006 - 06:00

(...)

«Stately, Yes», énoncé en lettres adhésives sur le mur de la première salle, est le premier et dernier mot d'Ulysse de Joyce. Le Britannique Pascal Bircher joue sur l'aléatoire du début et de la fin, d'autant plus angoissant qu'il peut faire sens ­ une vie. (...)
 
L'exposition champenoise sonne juste, avec son économie d'oeuvres bien pensée. Une différence salutaire avec certains bric-à-brac exhaustifs. Mais la rigueur n'empêche pas la fluidité, dans «Premier jour» flotte un sentiment de latence.
 
Emblématique, enfin, cette sculpture au sol de Bircher, Lost in darkness, I am forced into speech, où l'artiste reproduit en cristal indigo, en miniature et à l'échelle, le lac Vostok en Antarctique. Mais il renverse le «bassin originel» et l'éclaire par en dessous grâce à un néon, retournant ainsi la perception de la surface et nous invitant à y voir de la profondeur.
 
 
 
PASCAL BIRCHER
par Olivier RIGNAULT
à propos de Blue Lake, Room 12, 2007 et Blackhole, 2008
In Là, demeure. Vézelay : Association Fondation Zervos, 2012

Par son décor et son cadrage qui jouent d’une certaine banalité, Blue Lake, Room 12 évoque la « photo-souvenir », de celles conservées dans une boîte à chaussure parmi les archives familiales. Vacances à la montagne : chambre d’hôtel exiguë submergée de frisette, de meubles, de miroirs et de fleurs aux rideaux. Contrastant dans ce cadre suranné, se tient un personnage fantomatique, dont la pose évoque les portraits figés des figures familiales tutélaires, que l’on trouverait accrochés dans la galerie de peinture d’une grande demeure. Cette référence « généalogique » tient probablement à l’origine autobiographique de l’œuvre, qui parsème le travail de Pascal bircher. Ainsi pour Remake (2008), il photographie avec les moyens du cinéma (éclairage, logistique) le lieu de sa naissance, l’espace d’une clinique aujourd’hui disparue, devenu jardin d’un pavillon d’habitation. La réalisation de Blue Lake, Room 12, elle, fait suite à la découverte fortuite de documents témoignant de la chambre 12 de la pension du Lac bleu, dans les alpes suisses, comme du dernier endroit où son père a été vu vivant avant de disparaître. Ici la fixité de la scène ne relève pas de la stricte opération photographique, tant cet être est déjà pétrifié au moment de la prise de vue, posé là, telle une statue en attente d’affectation. Peut-on encore parler d’autoportrait, dès lors que le corps et l’identité de l’artiste se soustraient à notre regard, disparaissent entièrement dans les contours de cette combinaison « bleue incruste » ? Car ici, contrairement à l’usage habituel du bleu d’incrustation en technique vidéo, ce n’est pas le décor qui est substitué, mais l’individu. Les êtres apparaissent, se meuvent, disparaissent, tandis que la chambre d’hôtel semble immuable. Ainsi, par la réduction de l’être à une forme dans cet espace, nous nous trouvons en présence de la manifestation sculpturale d’une absence rendue visible, support de nos projections mentales, seules à même de lui donner une histoire. Et dans une combinatoire anachronique où passé, présent et permanence fusionnent, les reliefs de ce corps creusent l’image, et la figure de l’absent apparaît à la fois disparue, et à venir.
« Où maintenant ? Quand maintenant ? Qui maintenant?[…]». Ces premiers mots de L’Innommable de samuel beckett (1) auraient pu être à l’origine de Blue Lake, Room 12. Mais de ce texte, tout entier tourné vers le mouvement de la conscience d’être au monde dans le néant de sa propre existence, Pascal bircher a choisi, pour réaliser Blackhole, d’en extraire, en la numérisant, l’image formée par le point final du manuscrit original. Par sa projection à même le sol, l’encre de ce point devient un vide engloutissant, véritable trou noir réunissant origine et fin de nos êtres-univers en une seule noirceur. « […] il faut continuer, c’est peut-être déjà fait, ils m’ont peut-être déjà dit, il m’ont peut-être porté jusqu’au seuil de mon histoire, devant la porte qui s’ouvre sur mon histoire, ça m’étonnerait, si elle s’ouvre, ça va être moi, ça va être le silence, là où je suis, je ne sais pas, je ne le saurai jamais, dans le silence on ne sait pas, il faut continuer, je ne peux pas continuer, je vais continuer. »
1. Samuel Beckett. L’Innommable. Paris : Les Éditions de Minuit, 1953.