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    François Morellet
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François Morellet


François Morellet a fait très tôt le choix de l’abstraction géométrique et de l’intervention minimale, avec le souci d’éviter tout effet sensible de la subjectivité ou de la facture, mais avec un égal souci de désamorcer l’esprit de sérieux et d’échapper aux dogmes et au formalisme convenu qu’engendre trop souvent ce type d’engagement. Le rôle décisif de l’artiste se porte avant tout sur le protocole. Il définit la mise au point d’un processus à partir duquel l’œuvre va se constituer. Si la méthode est rigoureuse, s’il s’interdit de biaiser avec le mode opératoire une fois que celui-ci est arrêté, François Morellet prend soin, dès la conception, de faire le paramètre qui permettra au résultat de faire une part réjouissante au hasard, et – sans jamais trahir la logique – d’engendrer l’imprévisible. Les titres de ses œuvres prennent plaisamment l’allure d’un descriptif de géométrie. Dans la première Ligne horizontale passant sur trois carrés..., 1974, les trois châssis carrés, identiques, passés à l’acrylique blanche, évoluent dans un même plan. C’est la ligne horizontale noire qui les traverse, qui va décider de leur position. Le premier, pour lequel elle agit comme une diagonale est basculé d’un quart de tour, reprenant la position du fameux losange historique de Piet Mondrian. Le troisième qu’elle traverse comme une médiane se trouve parfaitement droit, dans la position du carré classique qui incarne le support moderne par excellence. Le châssis du centre, traversé « de la moitié d’un côté à un angle », semble échapper à toute logique ; incliné, repoussé vers le haut, on ne sait s’il flotte ou s’il sombre. Il résulte de l’ensemble une impression tout à fait ambiguë d’ordre logique et de dysfonctionnement qui ruine toute rigueur constructiviste sans déroger aux convenances de la géométrie. Le titre de la seconde pièce est pareillement énonciatif et rébarbatif. Dans Prolongement de 39 lignes..., 1978, François Morellet fait un pas de plus dans sa prise de liberté avec les conventions picturales : l’œuvre semble reprendre les classiques variations linéaires de l’art concret, mais son support, le tableau carré, est susceptible de se mouvoir dans un espace tridimensionnel. Il en résulte des incidences entre la projection des lignes et les plans variables des différents éléments du triptyque. Le châssis central, à plat sur le mur, strictement vertical, porte horizontalement trente-neuf lignes parallèles qui, comme le veulent les lois de la géométrie, se prolongent virtuellement de part et d’autre dans l’espace. Elles doivent donc rencontrer les deux plans des châssis latéraux du triptyque. Mais le panneau droit étant incliné sur un axe horizontal ne peut recevoir qu’une seule des trente-neuf lignes (celle du centre). Le panneau de gauche au contraire est incliné sur un axe vertical. Il se voit par conséquent percuté par la totalité des trente-neuf lignes, ce qui détermine en son centre une verticale discontinue faite de la suite de ces points d’impact. L’organisation horizontale du panneau central a engen-dré des dispositions contradictoires : une horizontale à droite, une verticale à gauche. La logique géométrique est respectée, les lois de l’accrochage bousculées : le résultat plastique est d’une parfaite cohérence.

Hubert Besacier